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Désireux de sortir de l'ornière dans laquelle il s'est enlisé au fil de
la rédaction de «Madeleine», roman abandonné en 1911, Ramuz se
tourne vers la matière valaisanne engrangée du temps de son
séjour à Lens, lors de la gestation du Village dans la montagne et
de Jean-Luc persécuté. Sur fond de rivalité entre des communautés
que la langue et la culture séparent irrévocablement, «Le Feu à
Cheyseron» associe pour la première fois une trame amoureuse et
la réflexion sur le fonctionnement des collectivités et sur leur
interaction. Au bout du compte, cependant, l'écrivain ne sera pas
entièrement satisfait de ce roman, qu'il ne fera pas paraître en
volume après sa publication en revue. Cette intrigue de rapt et de
trahison, dominée par une figure de femme aussi séduisante que
dangereuse, sera reprise dix ans plus tard, sous un autre angle,
dans La Séparation des races.
C'est donc avec Vie de Samuel Belet, qui sort à Paris, chez
Ollendorff, en 1913, que Ramuz retrouve toute sa verve. Seul
roman de l'auteur écrit entièrement à la première personne, ce récit
met en scène l'existence sans hauts faits d'un jeune Vaudois au
cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Devenu pêcheur sur le
Léman, le vieux Samuel Belet retrace dans ses mémoires son
parcours d'orphelin, de la campagne proche de Lausanne à la
Savoie et à Paris, puis de nouveau dans le Pays de Vaud. Roman
d'apprentissage traversé de réminiscences rousseauistes, Vie de
Samuel Belet est aussi un texte à la forte portée symbolique :
l'itinéraire de Samuel, qui le conduit de la pauvreté à l'aisance, puis
à un dépouillement consenti, exprime une forme de sagesse chère
à Ramuz, en même temps qu'il illustre une représentation de
l'identité vaudoise à laquelle l'écrivain est particulièrement attaché.
Ce volume contient «Le Feu à Cheyseron» et Vie de Samuel Belet. Il
est accompagné d'un disque qui comprend les quatre versions
publiées de Vie de Samuel Belet et un logiciel permettant de les
comparer. On y trouve également, en fac-similé, des passages
supprimés lors de la publication du «Feu à Cheyseron» dans la
Bibliothèque universelle et Revue suisse.