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Officier au service de France, expert en fortifications, urbaniste,
philosophe expérimental, inventeur d'un «thermomètre
universel», auteur de la première carte panoramique des Alpes,
Jacques-Barthélemy Micheli du Crest (1690-1766) a joué un rôle
de premier plan dans l'Europe du XVIIIe siècle en raison de ses
actions et de ses idées politiques. Issu d'une famille patricienne
genevoise d'origine lucquoise, il entre bientôt en conflit avec sa
famille et l'oligarchie en place à Genève. Condamné d'abord en
1728, puis en 1729 et 1730, il se livre à l'étude des institutions
politiques genevoises et lie sa cause avec celle des opposants au
gouvernement qui souhaitent une réforme du système politique
de la République. En 1735, sa condamnation à mort est prononcée
par contumace et son effigie est exécutée à Genève.
Inlassable critique du gouvernement, il sera finalement arrêté à
Neuchâtel en 1746 et, impliqué dans la «conjuration de Henzi»,
sera condamné par les autorités de Berne à la prison à perpétuité.
Enfermé à la forteresse de Aarbourg, sa libération n'aura lieu que
peu de temps avant sa mort en 1766.
Dans son Discours en forme de lettres sur le gouvernement de
Genève - terminé en 1735 et resté à l'état de manuscrit jusqu'à
ce jour - Micheli du Crest expose pour la première fois, de
manière systématique, sa pensée politique dans un effort de justification
et de défense vis-à-vis des «injustes sentences» dont il
est frappé. Preuve, selon lui, de la dérive tyrannique du régime
genevois où la souveraineté originelle du peuple est en train
d'être confisquée par un petit nombre de magistrats. Le destin et
les oeuvres de cet aristocrate «révolté» ne manquent pas d'éclairer
- voire de préfigurer - plusieurs aspects des vicissitudes genevoises
de l'auteur du Contrat social. Mais, au-delà de l'affaire
Rousseau, la théorie de Micheli du Crest est en elle-même d'un
intérêt indéniable par sa manière de combiner une conception
radicale de la souveraineté exercée directement par le peuple
avec une vision hiérarchique et aristocratique des bases sociales
de la démocratie. Ce Discours en forme de lettres présente une
expression originale du républicanisme protestant qui, avec ses
multiples variantes, contribue à façonner de manière caractéristique
la pensée politique de la Suisse des Lumières.