Read more
En mars 1932, Ramuz contribue à un numéro de La Nouvelle Revue
française rendant hommage à Goethe. Rédigée à la demande insistante
de Jean Paulhan, cette étude est un des nombreux signes qui
indiquent que l'auteur vaudois a acquis un nouveau statut : il est
devenu un «incontournable» du monde des lettres. Les organes de
la presse française recherchent son concours, et sa position se
consolide peu à peu, que ce soit par une collaboration régulière à
la NRF, ou à travers une série d'articles publiés dans Le Figaro. De
même, Ramuz est amené à user de sa nouvelle «autorité», en faisant
briller son aura sur d'autres publications, ce qui se marque par des
productions d'un genre nouveau, et en particulier des préfaces.
Mais la notoriété a son revers, car les propos d'un auteur consacré
suscitent l'attention du plus grand nombre et sont alors susceptibles
de faire naître la controverse, ce qui est le sort d'une «lettre»
que Ramuz publie en 1937 dans un numéro de la revue Esprit
dont le thème est la Suisse. Alors même qu'il y expose des idées
que l'on trouve déjà dans ses premiers textes réflexifs, cette intervention
est vertement critiquée, car certaines de ses affirmations
ne sont plus acceptables, dès lors qu'elles émanent d'un artiste
reconnu à une échelle nationale, voire internationale, qui prend la
parole dans un contexte politique troublé.
Si Ramuz se défend d'avoir fait de la provocation, le ton qu'il
adopte dans cette «lettre» est néanmoins emblématique d'une posture
qu'il revendique. L'écrivain pratique en effet une rhétorique
bien rodée, qui s'appuie en partie sur une connivence supposée
avec le destinataire du texte. Mais son discours se bâtit simultanément
et quasi inévitablement en contredisant d'autres opinions, ce
qui confère alors à chacune de ses interventions une dimension
nettement polémique, confirmant une tendance présente dans sa
production antérieure.
Ce volume consacré aux années 1932 à 1947 contient trente-neuf
articles ou discours publiés dans des journaux et des revues, six
textes inédits (ou parus de façon posthume), treize préfaces ou
avant-propos, ainsi que deux entretiens.