Read more
Entre L'Origine des espèces (1859) et La Filiation de l'Homme (1871),
La Variation des animaux et des plantes à l'état domestique, ouvrage
dans lequel on reconnaîtra le plus méticuleusement documenté et
le plus étendu des traités généralistes de Darwin, occupe en 1868
une place intermédiaire, vouée tout d'abord à la consolidation
illustrative et argumentative du transformisme.
C'est en effet la variation des êtres vivants qui, sélectionnée et transmise,
constitue le matériau dynamique de la transformation des espèces.
Conscient du mystère de son origine, Darwin la poursuit, depuis
l'observatoire aménagé par la domestication, sous toutes ses
manifestations visibles. Parcourant le champ immense ouvert à la
sélection par les variations spontanées des organismes dans l'univers
de la zootechnie et de l'horticulture, il étudie le phénomène
variationnel, qu'il soit morphologique, instinctuel ou mental, depuis
ses manifestations les plus courantes jusqu'à la production des
particularités les plus singulières.
Chaque fois, un écart observé, isolé et parfois inconsciemment ou
méthodiquement reproduit, atteste la variabilité naturelle du vivant,
expose l'ampleur de sa plasticité et relativise les frontières apparentes
entre les êtres. Si la théorie de la descendance modifiée par
l'action de la sélection naturelle explique le mécanisme de la formation
des espèces à partir des variétés, elle ne sait rien encore de
la nature et de la source de la variation elle-même dans le processus de
génération, ni des règles exactes de sa transmission. C'est à ce non-savoir
momentané (pré-mendélien malgré de sensibles approches)
qu'essaie de porter remède, à l'avant-dernier chapitre de cet ouvrage,
la remarquable - et, de fait, post-newtonienne - «hypothèse provisoire
de la Pangenèse».