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Bruno Bettelheim (1903-1990), le grand spécialiste de la psychiatrie et de la psychanalyse infantiles a grandi dans la Vienne impériale, qui fut, après Paris, la seconde capitale intellectuelle et artistique de l'Europe décadente. Il y côtoya Musil et Zweig, Mahler et Schönberg, Klimt et Kokoschka. Il y rencontra surtout Freud qui, par sa volonté de découvrir et de comprendre "la vie intérieure la plus profondément enfouie de l'homme", décida de l'orientation de sa vie.
Tout en travaillant dans l'entreprise de son père - un marchand de bois en gros - Bettelheim entreprit d'abord des études de lettres qu'il termina par une thèse sur Le Problème du beau dans la nature et l'esthétique moderne (1938). Mais des difficultés d'ordre personnel et le désir de voir plus clair en lui-même l'avaient incité à entreprendre une psychanalyse. L'invasion de l'Autriche par les nazis, la déportation à Dachau, puis à Buchenwald jetèrent Bettelheim dans cette situation extrême où histoire personnelle et Histoire se confondent. L'impossibilité, pour les rescapés de l'Holocauste, d'évoquer leur tragédie lui permit de comprendre l'impossibilité de certains enfants de briser le mur du silence dans lequel ils se trouvent enfermés.
C'est aux enfants que Bettelheim consacra donc sa vie, comme directeur de l'école orthogénique de Chicago (1947-1973) et auteur de nombreux écrits sur les problèmes éducatifs. Nous avons réuni dans ce volume ceux de ses livres qui tentent de restituer la parole aux enfants, que ce soit à travers les contes de fées ou leur difficile dialogue avec leurs parents. Très controversés au moment de leur première parution, les travaux de Bettelheim comptent aujourd'hui parmi les classiques de toute réflexion sur l'éducation.
Robert Kopp
