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Tout le monde connaît les yeux d'Elsa, chantés par Aragon. Mais il y
eut aussi Elsa avant Aragon. Elsa Kagan est née en 1896 à Moscou,
dans une famille juive de la bourgeoisie. Sa vie c'est d'abord le trio
qu'elle forme avec sa soeur, la future Lili Brik, et le poète Maïakovski.
A travers lui, Elsa vit son premier chagrin d'amour et rencontre la littérature,
l'Art et l'engagement politique. Mariée au français André
Triolet, Elsa part vivre à Tahiti, puis à Paris, à Berlin. Elle écrit en russe
ses premières oeuvres, encouragée par Gorki, et s'installe définitivement
à Paris au début des années 1920 où elle fréquente le milieu
Montparno. C'est là qu'elle rencontre Aragon en 1928. Dès lors, la
légende l'unit au poète.
Bien que moins engagée politiquement, c'est Elsa qui ouvrira à
Aragon les portes des milieux intellectuels soviétiques. Mais la grande
famille du PCF, les activités incessantes de son amant comme les responsabilités
grandissantes qu'elle prend dans le mouvement des écrivains
deviennent vite pesants pour Elsa qui se voit vieillir
prématurément. Elle en souffre et le crie à travers ses personnages
féminin. Si rarement femme a été autant célébrée, ce sont des tourments
de mal aimée que recèlent ses textes. «La solitude n'est pas le
grand thème de mes livres, elle l'est - de ma vie», écrira-t-elle un
jour de douleur à Aragon. Une solitude qui s'augmentait peut-être de
cet art qu'elle pratiquait dans le roman, d'inventer des vies, de se
masquer et de se dévoiler tour à tour. Elsa imaginée, imaginaire,
inatteignable. De son premier livre écrit en français, Bonsoir Thérèse,
au Rossignol se tait à l'aube, son dernier ouvrage, en passant par le
prix Goncourt en 1945, Elsa poursuit sa réflexion sur le bonheur
insaisissable, la difficulté à vivre qui la rend si émouvante.
Huguette Bouchardeau nous entraîne une nouvelle fois dans un destin
de femme peu ordinaire. En faisant la part belle aux écrits d'Elsa, elle
donne à voir un pan de la vie sociale, politique et littéraire d'une
époque à travers des yeux féminins épris d'absolu. Huguette
Bouchardeau signe ici un récit intimiste autant qu'une biographie
politique et littéraire d'envergure.