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Exigeante avec elle-même et sans complaisance pour les modes littéraires, l'oeuvre de Claude Simon, prix Nobel de Littérature en 1985, s'inscrit fortement dans notre siècle. Leçon de ténèbres d'un monde en deuil de ses idéologies, leçon de défiance, y compris à l'égard de nous-mêmes, des représentations qui nous habitent et informent le monde à notre insu : elle est, par excellence, une oeuvre du soupçon. Son souci des choses et des hommes ne se conçoit pas sans une attentive disponibilité à ce qui se joue dans l'écriture : elle fouille ou réinvente, dans le dédale présent des mots qui en viennent, les images d'un passé toujours incertain. Loin de faire se succéder les livres selon le hasard de l'imagination ou des circonstances, Claude Simon constitue un ensemble véritable dont l'évolution et les échos internes font sens. Aussi le présent ouvrage ne privilégie-t-il La Route des Flandres qu'en restituant autour du roman le dialogue avec l'oeuvre qui le réécrit. Ainsi envisagés, les enjeux de la fiction et les effets de l'écriture mettent au jour une incertitude du sujet et une vision du monde qui permettent au critique de parler de pulsion et de fiction autobiographiques, et même d'engagement de l'oeuvre, là où cette notion est longtemps demeurée suspecte. Au coeur des vicissitudes de ce siècle, aux prises avec l'histoire et le récit de soi, La Route des Flandres apparaît dès lors comme le livre d'une mémoire inquiète qui engage notre temps.
