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Le collage a malheureusement dans l'art ancien et contemporain une
origine, un développement, une situation historique. J'ai dit : malheureusement,
car j'aurais voulu en être moi-même l'inventeur. Au cours de
mon enfance, les ciels gris, les maisons grises, les visages, les routes, la
poussière, les sentiments, toutes ces énormes choses grises du Midi
m'incitaient par rage à inventer des couleurs et à les coller sur certains
espaces limités de mon imagination. Puis j'ai eu recours au papier vélin.
Ce rappel de l'enfance est peut-être une référence bien ingénue, une
présomption littéraire. Mais la rage est restée.
J'arrache les affiches d'abord des murs, ensuite à partir du fond du
tableau. Combien d'attraits, combien d'imagination, combien d'intérêts
s'accumulent, se heurtent et se frôlent du premier au dernier arrachement.
Il ne s'agit pas de couleurs abstraites, mises en confrontation, mais
de couleurs qui ont une sève, un souffle, en un mot une vie propre. Si mes
recherches sur la couleur s'étendent à la matière, la signification se
transforme, elle devient dramatique. Que sera la terre après l'Apocalypse
? Peut-être une table de marbre lisse et froide, veinée de certains
canaux sinueux, comme les pistes du désert. Le collage offre une patine
jaune ou jaunâtre à cette géographie de déluge : mais c'est la patine de
l'espoir.