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Les biographies de philosophes ne sont le plus souvent
que de simples chronologies qui informent de la venue
au monde d'un génie, de ses avatars humains et de l'irruption
de ses fulgurations intellectuelles. Pierre Bourdieu
relevait ainsi que les philosophes des livres de philosophie
sont des individus qui ne lisent pas le journal le matin et
que, s'ils le font, cela ne souille en rien l'exercice souverain
de leur pensée. Ce n'est que lorsqu'il s'agit de s'en prendre
à un philosophe que l'on invoque les processus socio-historiques
dans lesquels sa pensée s'est formée. Pour un
philosophe, être historicisé est, en général, un symptôme
de son dépassement : il s'agit de montrer que sa pensée est
devenue caduque avec l'époque qui l'a vue naître.
À l'encontre de cette auguste tradition, l'auteur de ce
livre explique, en sociologue, comment Foucault est devenu
Foucault. Si un grand penseur est moins un génie qui
appelle des dithyrambes impétueux, qu'un individu capable
de concilier des mondes théoriques différents dans une
perspective qui lui est propre, de travailler son expérience
sociale sans relâche jusqu'à trouver un biais qui soit le sien,
ce livre aide à comprendre comment Foucault a réussi à
devenir Foucault. Quand le travail scientifique décrit, avec
les données disponibles - existentielles, sociales et intellectuelles
- la manière dont le génie se construit socialement,
il ne s'agit évidemment pas de dénigrer un grand
philosophe. Tout au contraire, il s'agit de montrer ce qu'il lui
en coûta et, bien sûr aussi, ce qui lui facilita la tâche.