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La pensée féministe s'est historiquement attachée, depuis - voire en dehors de -
la tradition matérialiste, à montrer que le rapport de classe n'épuise pas l'expérience de
la domination vécue par les femmes et, plus généralement, par les minorités sexuelles.
Plus encore, en élaborant des outils d'analyse tels que le «mode de production
domestique», les «rapports sociaux de sexe» ou le «rapport de genre», la pensée
féministe a travaillé sur l'imbrication des rapports de pouvoir, dénaturalisant la
catégorie de «sexe» à l'aune de ses déterminations historico-sociales.
Depuis quelques années en France, la réflexion sur l'imbrication des rapports
de pouvoir s'est complexifiée davantage, notamment sous l'influence des travaux nord
et sud-américains, mais aussi caribéens ou indiens. Les problématiques relatives aux
identités sexuelles, aux régimes de sexualité, mais aussi celles articulant le genre et la
nation, la religion et/ou la couleur, ont permis de développer un véritable champ de
réflexion. La question cruciale de l'articulation du sexisme et du racisme, notamment,
a ainsi renouvelé tout autant l'agenda des mouvements féministes que la recherche
universitaire.
Cet ouvrage a pour but d'interroger les différents outils critiques pour penser
l'articulation des rapports de pouvoir. Tout en interrogeant leur mode propre de
catégorisation (les catégories de «sexe» et de «race» ont-elles méthodologiquement le
même statut que la classe ? À quelles conditions utiliser la catégorie de «race» comme
une catégorie d'analyse ? L'analyse en termes de classe a-t-elle été éclipsée par l'analyse
croisée du sexisme et du racisme, après les avoir longtemps occultés ?...) cet ouvrage
discute les différents modes de conceptualisation de ce que l'on pourrait appeler
«l'hydre de la domination» : analogique, arithmétique, géométrique, généalogique.
À partir de différentes traditions disciplinaires (sociologie, science politique,
philosophie, psychologie, littérature...), les contributions ici réunies présentent un
état des lieux des diverses appréhensions de l'imbrication des rapports de pouvoir -
«intersectionnalité», «consubstantialité», «mondialité», «postcolonialité», ... et,
ce faisant, (re)dessinent les contours d'une véritable épistémologie de la domination.