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Maintenant que Baudelaire est passé - au risque d'y perdre l'attrait
du fruit défendu - des bancs du tribunal à ceux du lycée, qu'il soit ici
permis de rêver d'une anthologie qui ne soit ni herbier ni couronne
mortuaire, et d'un lecteur qui ne soit ni scandalisé ni respectueux, mais
seulement avide. Puisse-t-il tourner et retourner les pages au gré de
son plaisir et de ses choix pour satisfaire ce besoin clairement énoncé
par Baudelaire lui-même : «Tout homme bien portant peut se passer
de manger pendant deux jours, - de poésie, jamais.»
Les poèmes en prose, d'ordinaire moins cités, côtoient ici les vers des
Fleurs du mal. Du spleen, terreau de ces Fleurs maladives, à la mort
soleil nouveau, on croise les autoportraits travestis de l'artiste - Le poète
et ses doubles - les femmes - Muse, Madone ou vampire ? - et le Rôdeur
du Paris de la modernité.
Baudelaire fut connu comme critique d'art avant d'être reconnu
comme poète. En prenant le parti pour les accompagner de ne retenir
que des oeuvres - peintures, gravures, caricatures ou photographies -
contemporaines de ses poèmes ou suggérées par eux, cette anthologie
donne à lire le poète dans son siècle. Elle tente surtout de retrouver
son regard sur le Paris où s'égaraient ses flâneries et sur les images,
sa grande, son unique, sa primitive passion.
Laurence Massénat