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Ce livre aborde la principale énigme du monde du travail : la
coopération. Elle est nécessaire au bon fonctionnement des entreprises,
mais ne repose que sur la «bonne volonté» des opérateurs.
La coopération ne s'explique en effet ni par l'intérêt économique,
ni par la contrainte des procédures, ni par les normes de métier.
Elle repose largement, au bout du compte, sur la seule volonté de
donner : on donne aux autres parce que donner permet d'échanger
et donc d'exister en entreprise.
Coopérer suppose en effet de créer des liens sociaux, par l'intermédiaire
desquels circulent des biens, des informations, des services,
des symboles, des rites ou des émotions, comme circulaient les
dons dans les sociétés «primitives». Mais, hier comme aujourd'hui,
ces échanges ne peuvent être réduits à une série de comportements
altruistes et pacifiques : donner représente également le moyen
d'obliger, d'obtenir, de trahir ou de prendre. Et ce «commerce» se
réalise au nom d'un tiers, qu'il se nomme métier, mission, projet,
réseau ou entreprise. Celle-ci tire donc parti de cette ingéniosité
collective qui se donne à elle, permettant le changement et le mouvement.
Pour autant, loin de reconnaître ces générosités, elle dénie
l'existence du don et privilégie les modes de gestion «modernes»,
qui préfèrent que salariés et employeurs soient quittes, plutôt que
mutuellement endettés.
Norbert Alter aboutit ainsi à la mise en évidence d'un phénomène
paradoxal, qui prend à rebours les discours du management
ordinaire : le problème des organisations ne consiste pas à «mobiliser
les salariés», mais à tirer parti de leur volonté de donner.