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Avec un nombre limité de textes, Barbey d'Aurevilly (1808-1889), l'auteur des Diaboliques, le critique littéraire redouté n'en occupe pas moins une place de choix dans l'histoire de la critique d'art. Barbey varie d'abord étonnamment ses modes d'approche. S'il se plie au rituel compte rendu du Salon (par trois fois : en 1838, en 1864, et en 1872), il ne néglige pas pour autant les visites d'atelier, et s'il aime à s'appuyer sur un livre, on ne le voit plus aisément s'exprimer que lorsqu'il peut visiter une collection ou un musée en toute liberté.
Par l'ampleur de ses références, Barbey peut ensuite faire figure de théoricien, mais c'est un théoricien paradoxal, qui recherche avant tout les «sensations fortes», convaincu que les «beaux arts» proprement dits ne sauraient les apporter à l'homme.
Barbey se montre maintenant beaucoup plus attentif au traitement du sujet qu'aux innovations formelles, à la personnalité du créateur qu'aux œuvres elles-mêmes, et s'il prend position en faveur de Manet en 1872, il ne cherche pas à défendre l'avant-garde pour l'avant-garde. Ce qu'il recherche, ce sont là encore des personnalités fortes, hérauts d'un absolu qui les contraint sans cesse à se dépasser, et l'on ne s'étonnera pas que ses «maîtres» soient Géricault, Théodore Rousseau, Millet, des solitaires, réfractaires aux modes, chez qui l'art est devenu l'unique passion et la permanente obsession, et qui sont généralement, comme lui, restés incompris.