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Foudras dresse dans ces "mémoires" d'un officier français engagé contre les
Constitutionels espagnols, un tableau flatteur et enlevé de la société ibérique du XIXe
siècle. Au grè de chasses étonnantes et d'actions militaires chevaleresques, on découvre
des aristocrates d'honneur, un prêtre chasseur, des piqueux époustouflants, des chiens
remarquables, des militaires français buveurs et hâbleurs, et surtout la grâce sans pareil
des superbes Andalouses...
«Don Pedro mit pied à terre, me jeta la bride de son cheval, assura sa dague
dans sa main solidement gantée, et marcha droit au sanglier en étudiant le terrain
d'un oeil ferme. J'avais le coeur serré, car j'envoyais peut-être un homme, un ami à
la mort.
«La meute réduite à une vingtaine de chiens encore en état de combattre,
couvrait le solitaire, que l'on avait de la peine à distinguer nettement au milieu
d'elle
«- Señor, il vous a vu ! cria Pepe Hillo, prenez garde à vous.
«Le sanglier parvint effectivement à se dégager à peu près, et il se rua sur
don Pedro, traînant après lui une demi-douzaine de dogues attachés à ses écoutes,
à ses flancs et à ses suites.
«Don Pedro l'évita en bondissant légèrement de côté. Le solitaire se
débarrassa des deux molosses qui le tenaient par la tête et revint à la charge,
amenant les autres. Don Pedro esquiva encore le choc, mais après son écart à
gauche, il se fendit rapidement à droite, et je vis sa dague disparaître jusqu'à la
poignée, derrière l'épaule du sanglier, qui fit une culbute et resta étendu sur le sol,
sans donner d'autre signe de vie qu'un léger frémissement dans les membres. Le
sang sortait à gros bouillons de la blessure, et deux dogues plus prompts que leurs
camarades le buvaient déjà avec délices. Toute la troupe, y compris deux ou trois
blessés, suivit leur exemple.
«Don Pedro s'était remis tranquillement en selle, et comme j'avais commencé
à le féliciter, il m'interrompit en m'invitant à le suivre, en termes qui n'admettaient
pas de réplique pour le moment. Je tournai donc bride avec lui, et je m'aperçus
que le comte, Manuel et le marquis de Torrecuella se retiraient aussi du champ de
bataille, que Pepe Hillo lui-même avait déjà abandonné.
«Quand nous fûmes tous réunis sur la lisière du bois que le sanglier avait
traversé, je me hasardai alors à demander pourquoi nous nous privions
volontairement de la fin du spectacle.»
Ce volume est le huitième de la collection des OEuvres cynégétiques complètes du
marquis de Foudras (1800-1872), célèbre "gentilhomme chasseur" bourguignon, publiée
depuis l'an 2000 à l'occasion du deux centième anniversaire de sa naissance. Depuis la
très rare édition originale de 1852, Diane et Vénus n'avait été réédité qu'une seule fois.