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«C'est en prêtant son corps au monde
que le peintre change le monde en peinture.»
Maurice Merleau Ponty
L'oeil et l'esprit
Gallimard, 1964
Voilà qui sera dit : la photographie
n'aurait aucune dette à l'égard de ce qui pourrait
s'appeler une histoire de la vue. Et pourtant combien
d'analyses passionnantes ne peuvent s'empêcher de s'y
référer sans toutefois effleurer peu ou prou la question
de l'investissement corporel dans l'acte même de photographier.
Mais si la plupart du temps cette revendication
n'est au service que de l'acceptation de la photographie
dans la sphère artistique - toute production artistique
étant le résultat d'une plongée du corps dans une mise
en oeuvre singulière - parfois elle aborde de manière
plus fine et perspicace les modes et les outils du relationnel
dans la nécessité de créer. Alors, le but de faire
s'efface devant le désir de découvrir et le corps devient
l'appareil investi de toutes les fonctions permises.
Sentir, ressentir, toucher, éprouver, percevoir,
s'aper-cevoir peuvent se décliner sémantiquement sans
jamais traduire ce qu'une image peut suggérer de ce
corps à corps avec l'espace et le temps, sans jamais
atteindre ce que l'image photographique peut révéler
de cette relation sensitive sans laquelle la photographie
n'aurait aucun regard porté sur elle. Mais, si
«avant d'utiliser la pellicule sensible de son appareil
pour recevoir l'image du monde, c'est le photographe...