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«Chez nous autres en Suisse, la guerre froide s'est terminée avec un peu de
retard. Disons lors du départ définitif du chef de notre police politique. La
Suisse n'est plus désormais ce pays où chacun épie chacun, où les maniaques
de la surveillance mettent en fiches un habitant sur quatre. Du moins je veux
le croire. La Confédération helvétique est devenue un pays comme un autre.
Elle y a perdu en folklore, elle y gagne son entrée dans la mondialité. L'histoire
que j'ai racontée reste comme un rapport de plus qu'on lira en souriant ou le
poing dans la poche.»
Il y a quelques années déjà, Daniel de Roulet, cadre dans une
grande entreprise, perd son emploi et la possibilité d'en trouver
un autre. Trois kilos et demi. C'est le poids du papier des fiches
établies pendant plus de trente ans par diverses polices suisses qui
ont enquêté sur lui sans jamais découvrir rien de bien sérieux.
Chaque fois ses employeurs sont mis en garde. C'est ainsi qu'il
doit quitter l'architecture, puis le journalisme et enfin
l'informatique. Il n'est pas un cas isolé, des dizaines de milliers de
citoyens suisses découvrent qu'ils ont été illégalement «fichés»
pendant de longues années. Mais l'histoire de Daniel de Roulet
est singulière car elle a fait une vraie victime, Peter Gasser,
procureur zurichois, son double, dont la vie sera complètement
détruite. Mais que reprochait-on à Daniel de Roulet, d'avoir
côtoyé un terroriste ou Fritz Zorn ? D'avoir organisé des
émeutes ou de douter du système qui protège les fonds en
déshérence ? Dans sa postface écrite pour cette présente édition,
l'auteur admet qu'il n'a pas été un militant «jusqu'au-boutiste».
«Dans un pays étouffé par sa propre guerre froide, nous
n'avons été que des dissidents intermittents.» Ce texte que l'auteur
nomme «rapport» en sous-titre devient un roman, fascinant,
celui d'une génération se débattant dans un pays étouffant, mais
c'est aussi une prenante histoire d'amour.