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Le roman, a dit Stendhal, est «un miroir que l'on promène le
long d'un chemin». Le chemin, ici, c'est la France, et le voyage
dure cent ans. Car, par-delà l'histoire du plus prestigieux et du plus
controversé de nos prix, des péripéties, des incidents qui émaillèrent
son parcours, ce qui se dessine, bien plus qu'un simple panorama de
notre vie littéraire et éditoriale, c'est la chronique intime et affective
d'un pays.
Évoquer aujourd'hui la longue suite de ces livres qui rencontrèrent
un immense public, c'est parler, tour à tour, de nos guerres, de
l'occupation, de l'émancipation de la femme, mais aussi du déclin
des campagnes françaises, de la crise des années 30, de la guerre
froide ou de nos rapports avec les autres et le monde.
En effet, au cours des cent dernières années, il y eut toujours un
prix Goncourt pour dire, à sa façon, les grands moments et les
faillites d'une aventure commune. Pour peser, le plus souvent, dans
le sens du progrès.
Chemin faisant, on découvrira, ou redécouvrira, quelques livres
clés, quelques beaux textes, tombés dans l'oubli, ou négligés par
snobisme, et l'on verra encore comment une entreprise destinée
d'abord à donner aux écrivains les moyens de leur indépendance
contribua, finalement, à établir le règne absolu d'un genre, le
roman, et à soumettre la littérature aux exigences du marché.