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L'un des paradoxes de l'oeuvre d'Andreï Tarkovski est d'être à la
fois si russe et tellement universelle. Les sujets qu'il traite ont
un caractère culturel - métaphysique, même - qui peut
intimider au premier abord, mais la vision de ses films est une
expérience sensorielle des plus enrichissantes, éveillant chez le
spectateur des réminiscences de son propre vécu ou de ses
rêves. Le Miroir, par exemple, est une source inépuisable de
retours à l'univers concret, quasi physique, de l'enfance.
La vie de Tarkovski est un champ de bataille pour une oeuvre
inachevée. Fils du grand poète Arseni Tarkovski, formé au
VGIK, l'école de cinéma de Moscou, il devient l'une des figures
majeures du cinéma soviétique aux yeux du monde entier avec
L'Enfance d'Ivan (Lion d'or au Festival de Venise en 1962), puis
avec Andreï Roublev. Il est immédiatement en butte à la censure
dans son propre pays où il fait figure de metteur en scène
dissident. La publication de son journal révèle un homme
douloureux et révolté, un créateur exigeant toujours plus de
lui-même pour donner sens à son art, tel le personnage
d'Andreï Roublev qui devra exercer le talent que Dieu lui a
donné pour percer à jour le secret de la cloche, ou celui du
Sacrifice qui devra renoncer à tout.
Sa position d'auteur dans un cinéma d'État l'empêchant
de poursuivre sa création, Tarkovski choisit l'exil vers l'Europe
de l'Ouest et réalise deux films consacrés aux thèmes du
sacrifice et du renoncement : Nostalghia et Le Sacrifice. La
maladie le terrasse à Paris, à l'âge de cinquante-quatre ans,
alors qu'il n'est parvenu à mettre en scène que sept films...
bien peu par rapport à tous ceux qu'il portait en lui.