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La récente remise au jour du Destin de Mr Crump qui avait tant fasciné Freud et Thomas Mann a ramené en pleine lumière l'oeuvre de Lewisohn (1883-1950), qui fut trente ans avant Nabokov le dénonciateur le plus féroce de la bonne pensée américaine.
Crime passionnel (1932 - traduit deux ans plus tard par Antonin Artaud et Bernard Steele), qui scandalisa la critique de l'époque, est sans doute son roman le plus ambitieux : un texte dont la modernité en tout cas, un long demi-siècle ayant passé, laisse sans voix. Lewisohn y retrace, avec une minutie qui ne nous épargne rien, le destin de quelques couples new-yorkais dans le vent - entre Belle Epoque et Années Folles.
On est libéral et pourtant conformiste ; et surtout l'on passe son temps à mentir : aux autres bien sûr, mais d'abord à soi-même. Et l'on s'étonne à peine lorsque l'un de ces êtres trahis par l'air du temps, fatigué de tout ce faux-semblant, sort un revolver de sa poche et tue. Non pour punir l'infidélité de l'amour, mais pour permettre au désir d'aller enfin sans masque.
Composé en 1920, refusé d'abord par tous les éditeurs américains qui hurlèrent d'une seule voix à la provocation et au scandale, Le Destin de Mr Crump connut entre les deux guerres la même aventure qui, trente ans plus tard, sera celle de Lolita, le chef-d'oeuvre de Nabokov.
Publié en anglais à Paris, puis traduit en français en 1931 (avec une préface de Thomas Mann), le livre de Lewisohn (1883-1956), qui fascina Freud, ne verra le jour aux Etats-Unis qu'en 1947 - et encore en version expurgée. Un livre insoutenable consacré à l'enfer du couple... Un grand roman politiquement et moralement incorrect qui, trois quarts de siècle après sa parution, n'a rien perdu de sa sournoise inconvenance.