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L'objectif de la thèse est d'élaborer une théorie générale de la notion de destination
à partir de ses nombreuses applications en droit positif. La destination peut
être définie comme la norme d'usage assignée à la chose par un acte juridique.
Elle exprime en effet un devoir-être : l'usage de la chose est déterminé à l'aune
de cette norme préalablement fixée, comme l'illustre sans doute mieux que toute
autre convention la fiducie. Sa dimension normative fait naître une étroite relation
entre sa structure et sa fonction.
Expression d'un devoir-être, la destination ne peut être le fruit de la seule volonté
individuelle, mais procède d'une interaction entre subjectivisme et objectivisme.
La volonté intervient dans un contexte préexistant, composé d'un donné, la nature
de la chose, et d'un construit, la loi, qui conditionnent la positivité de la destination
choisie. Une fois validée dans son principe, la destination doit s'extérioriser
par le vecteur d'un acte juridique pour sortir de la volonté du sujet et
rencontrer autrui. La nécessaire objectivation de la volonté permet de conférer à
la destination, comme toute norme, une certaine prévisibilité. Une fois émergée,
la destination se voit dotée de la permanence, afin que l'utilité initiale de la chose,
cause du consentement, soit préservée. Le changement de la norme obéit alors
à des mécanismes restrictifs, à travers l'exigence d'un principe de symétrie entre
l'émergence et la modification de la destination. L'affectation contraire réalisée
unilatéralement par l'utilisateur l'expose à des sanctions civiles et pénales.
La structure stable de la destination lui permet de jouer une fonction normative
en droit positif. La notion participe tout d'abord à l'articulation des droits subjectifs
sur la chose. Face à une pluralité de personnes intéressées au sort de la
chose (bailleur, preneur, vendeur, acquéreur, copropriétaires...), elle assure une
médiation de leurs intérêts, par la conjonction d'un devoir et d'un droit :
le devoir de conservation de l'usage de la chose et le droit à la réalisation de
l'usage de la chose. La destination contribue ensuite, et ce phénomène se développe
en droit contemporain, à l'application du droit objectif à la chose. Le statut
de l'acte juridique dépend en effet dans une large mesure de la destination
assignée à la chose, comme le montre le droit des baux. La destination constitue
enfin un instrument de catégorisation de la chose elle-même, au sein, notamment,
d'universalités.