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«Si vous n'intervenez pas, une page terrifiante de l'histoire
italienne sera écrite. Mon sang retomberait sur vous, sur le
parti, sur le pays... Que la sentence soit appliquée dépendra de
vous. Si la pitié l'emporte, le pays n'est pas perdu.»
Le 16 mars 1978, un commando des Brigades rouges enlève le
président de la Démocratie chrétienne, Aldo Moro. Tandis que
l'angoisse étreint l'Italie pendant cinquante-cinq jours, l'homme
d'État est soumis à un simulacre de procès, condamné à mort et
assassiné. Le 9 mai, son corps est retrouvé dans le coffre d'une 4L.
La fin tragique d'Aldo Moro a provoqué un traumatisme dont
les Italiens et, au-delà, tous les démocrates sincères, ne se sont
jamais remis. Par sa hauteur de vues, par son habileté de médiateur,
cet éminent professeur dominait, depuis vingt ans, la scène
politique italienne. Il venait d'imposer, contre la droite de son
parti, un «compromis historique» avec les communistes.
L'intransigeance des terroristes, l'obstination d'un gouvernement,
l'impuissance des enquêteurs, le rôle trouble des services secrets
et de la mafia ont suscité l'indignation et le malaise, dont le
grand écrivain Leonardo Sciascia s'est fait le porte-parole.
Dans sa «prison du peuple», Moro ne s'abandonne pas au désespoir.
Il écrit. À sa famille, à ses amis, à ses camarades et à ses collègues,
jusqu'au pape Paul VI. Dans ces pages de haute tenue, il dit son
amour ou sa colère, il demande, il exige que s'ouvre la négociation
pour sauver sa vie. Ces lettres sont d'un humaniste, d'un
stoïcien, d'un politique, d'un époux et d'un père aimant. Elles
dessinent le portrait d'une des figures les plus belles, les plus
attachantes du XXe siècle.