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«Tous les jours passés, sentiment de ne pas être dans le coup. Que diable allait-il faire dans cette galère! Ce n'est pas mon métier. Je ne veux pas tuer, ni surtout être tué bêtement pour rien.» (27 février 1960).
«Je dis à Dubois ma difficulté à l'imaginer en train d'interroger. Je dis, "des flics passe encore, mais des militaires...". "Ce n'est pas une guerre, me répond-il. Ce ne sont pas des hommes... Je le ferais, et pourtant je n'ai pas de haine. Mais il faut le faire."» (23 mars 1960).
En janvier 1960, Antoine Prost, jeune normalien effectuant son service militaire, est envoyé en Algérie. Il y restera neuf mois, comme sous-lieutenant au 5e bataillon de tirailleurs, d'abord dans la région de Bou Saada, aux confins de l'Atlas saharien, puis dans celle de Novi, au bord de la Méditerranée. Au jour le jour, il note dans quatre carnets successifs les faits dont il a été le témoin et dont il veut rendre compte pour l'histoire. Son regard sans complaisance dévoile le visage authentique de la guerre dans le bled: l'incessant quadrillage du djebel; les pitons que l'on fouille inlassablement; le baroud, rare, recherché et toujours possible; les contrôles tatillons et souvent infructueux; le déracinement et le regroupement sous surveillance de la population rurale; la comédie des élections cantonales; les mesquineries de la vie militaire. Et, jamais nommées, mais toujours présentes - un cadavre, une conversation, un pantalon rouge de sang - la torture et l'exécution des prisonniers et des suspects, de ces ennemis qui ne sont «pas des hommes».
Couverture: Soldat du FLN capturé par l'armée française, en octobre 1960, à Bordj Okhriss en Algérie. © Marc Garanger/Corbis
