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À l'instar de l'inceste, qui lui est étroitement lié et
avec lequel il constitue l'un des deux tabous fondamentaux,
le parricide occupe incontestablement
une place significative dans la tradition occidentale,
et ce bien avant l'élaboration conceptuelle du
complexe d'OEdipe par Freud au début du XXe siècle.
Malgré la publication, en 1973, de l'ouvrage Moi, Pierre
Rivière, ayant égorgé ma mère, ma soeur et mon frère... par
l'équipe de Michel Foucault au Collège de France - l'histoire
de ce paysan normand de vingt ans qui, en 1835, massacra
sa mère, alors enceinte, sa soeur et son frère - le tabou sur le
parricide n'a pas vraiment été levé.
Analysant 771 affaires de parricide jugées aux assises
entre 1825 et 1913, ce livre vient combler un manque, celui
d'une étude globale sur le crime «le plus monstrueux qu'ait
à frapper la justice humaine», selon l'expression de
Pierre Larousse. Il en fait la généalogie, de la lente maturation
du geste jusqu'au brusque passage à l'acte, et enfin à la
punition solennelle.
Le siècle fut tout entier marqué par la lutte de la société
contre la violence - de plus en plus domestique -, avec la
naissance de la criminologie et de la médecine mentale.
Cette ère de révolutions fut traversée par la question de
l'autorité, à travers la réminiscence et les répétitions symboliques
du plus grand des parricides, l'exécution du roi en
1793. Aujourd'hui simple circonstance aggravante de
l'homicide, surpassé dans l'échelle des crimes par le crime
contre l'humanité, le parricide fut bien le «crime des
crimes» du XIXe siècle.