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Baudelaire avait fait scandale avec ses «femmes damnées»
en 1857. Vingt ans plus tard, les disciples de Sappho osent
s'afficher dans Paris. À la Belle Époque, elles comptent de
célèbres prêtresses comme Natalie Barney, Renée Vivien, Colette et
Missy, bientôt Gertrude Stein. Plusieurs guides répertorient les
hauts lieux où se retrouvent les fleurs du mal, inverties et autres
gougnottes... Les moralistes s'alarment du «vice lesbien» qui
semble menacer la société, tandis que les premiers psychiatres s'efforcent
d'identifier les symptômes de l'inversion pour guérir les
«déséquilibrées de l'amour». Si les lesbiennes sont visibles, c'est
pourtant moins dans la rue que dans les librairies : de Mademoiselle
Giraud, ma femme à Notre-Dame de Lesbos en passant par Miss Don Juan
et Méphistophéla, d'innombrables romans et nouvelles leur sont
consacrés. Entre désapprobation et fascination, la littérature fin-de-siècle
a forgé de nombreux stéréotypes qui ont largement influé sur
notre imaginaire.
Ce sont ces représentations ambiguës que ce livre invite à décrypter,
en croisant les regards des observateurs du temps, des médecins,
des écrivains et des peintres. Figures emblématiques des années 1900,
les saphistes sont associées aux premiers balbutiements d'un
féminisme qui dérange et qui, par réaction, nourrit d'inépuisables
fantasmes. Objets de scandale pour les uns, héroïnes de la modernité
pour les autres, elles inspirent les artistes et les poètes de la
Décadence pour qui l'art est dénégation de la nature et triomphe
de l'artifice.