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Où trouver le sacré au XXe siècle, dans un monde désormais
marqué du sceau de la sécularisation et de la déchristianisation ?
Peut-être faut-il le chercher dans la fiction. Le succès du
Graal dans la littérature et le cinéma est un révélateur : ce
mythe pourrait bien constituer un langage commun par
lequel s'expriment des aspirations spirituelles largement
partagées. S'y retrouvent en effet en toute liberté le goût de
la transgression et de l'hétérodoxie, le désir de sortir de sentiers
religieux qu'on croit battus, la valorisation du relativisme
et de la tolérance considérés comme les seules
attitudes humaines acceptables devant notre ignorance de
l'Absolu, la sacralisation de l'amour humain à travers le
modèle d'un couple à refonder sur des bases tout autres. De
fait, le Graal lui-même, en tant qu'objet symbolique, représente
l'image du sacré, cet inconnu, défini ici comme ce qui
toujours échappe, mais qu'on ne se résigne jamais à trouver
absent et qu'il faut chercher malgré tout, même sans espoir
de l'atteindre. Dirigée vers ce but inaccessible, la quête du
Graal est vécue comme une sortie de la modernité, c'est-à-dire
du monde occidental tel qu'il s'est pensé depuis
Descartes et construit depuis le XIXe siècle. Elle consiste
d'abord à quitter ce dernier, à partir pour partir, même sans
savoir où l'on va. En définitive, à travers le Graal, ce calice
béant et peut-être vide, c'est le simple refus de notre monde
qui rayonne et qui se fait sacré...