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Le Gange occupe dans l'Histoire une place unique.
Est-il un fleuve autant associé à sa terre que le
Gange l'est à l'Inde ?
Est-il un fleuve plus aimé par son peuple que le
Gange l'est par les peuples de l'Inde ?
Aux yeux de l'univers, le Gange a longtemps été
«la rivière du monde».
Dès l'Antiquité - au Ve siècle av. J.-C. -, Ctésias,
historien grec de la cour de Perse au service de
Darius, évoque l'existence d'une rivière sacrée
«porteuse de toutes les bonnes choses».
Les récits classiques, grecs ou romains, évoquent
encore la puissance du grand fleuve. Les poètes
sont aussi inspirés par le Gange. Dans l'Enéide,
Virgile compare la rivière tumultueuse en crue à
une armée en marche. Ovide, lui, parle d'une Inde
fauve bordée par le Gange.
À partir du IIIe siècle, des religieux chinois se
mettent en quête des textes fondamentaux
bouddhistes, et voilà ce qu'écrit au VIIe siècle le
plus fameux d'entre eux, Hiuen-Tsang : «Ses eaux
sont bleuâtres et ses flots ont une étendue immense.
Un grand nombre de créatures merveilleuses
y vivent, d'ailleurs inoffensives pour les hommes.
L'eau a une saveur douce et agréable et entraîne
avec elle un sable d'une extrême finesse.»
Christophe Colomb lui-même, fasciné par la rivière
sacrée, pense pouvoir la rejoindre aisément lorsqu'il
débarque au Nouveau monde. Ainsi, pendant des
siècles, le Gange accapare les esprits.
Je ne déroge pas à la règle. Lors de mes
pérégrinations à travers l'Inde, il me tient sous son
charme. Poussé par je ne sais quelle curiosité, je
m'évertue à sillonner le sous-continent dans tous
les sens. Goûtant un peu à tout, je reviens là où
c'est le meilleur sans oublier de regarder à côté.
Mais fasciné par une réalité humaine si violente, si
contrastée, le Gange ne demeure pour moi qu'une
énigme parmi d'autres, et reste enveloppé de
mystère.