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En poste à Brunswick au service de Napoléon, le jeune Henri
Beyle se lance en 1808 dans une entreprise d'envergure : écrire
l'Histoire des événements liés à la Guerre de succession en Europe
à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècles. Seul l'un des
manuscrits rédigés alors, L'Histoire de la Guerre de succession, avait
été jusqu'à maintenant publié par Victor Del Litto en 1970, les
autres manuscrits étant considérés comme perdus. Cette première
tentative d'écrire un récit historique est donc à bien des égards
restée dans l'ombre : plus ou moins assimilée à un échec, à une
erreur de jeunesse, elle a été le plus souvent considérée comme
d'une importance minimale.
La publication de l'inédit Histoire d'Espagne, acheté récemment
par la bibliothèque municipale de Grenoble, montre qu'il convient
de remettre en cause nos a priori sur le sujet. En effet, bien avant
la Vie de Napoléon et les Mémoires sur Napoléon, Beyle a déjà des
ambitions d'historien et développe une réflexion théorique et
pratique sur ce que doit être l'écriture de l'Histoire. À la charnière
entre XVIIIe et XIXe siècles, il se révèle un précieux témoin des
mutations de l'historiographie. Enfin, écrire en septembre 1808 sur
l'Espagne ne peut être anodin, et, à travers ce récit filtre une
réflexion critique sur l'exercice du pouvoir et le despotisme,
allusion indirecte aux «crimes» de Napoléon à Madrid, les 2 et 3
mai de la même année.