Read more
Les "fratries" que donnent à voir la littérature et les arts, de
l'Antiquité à nos jours, peuvent non seulement refléter les configurations
familiales les plus diverses, mais aussi, et surtout, franchir les
frontières du possible, pour manifester en leur sein toutes les formes de
l'excès. La créativité tour à tour la plus fantasque ou la plus rigoureusement
fidèle aux réalités d'une époque historique précise se donne ici
libre cours. Qu'ils soient ou non des jumeaux, qu'ils s'assemblent en
constellations uniquement masculines, ou uniquement féminines,
qu'ils s'adorent ou s'entretuent, qu'ils se retrouvent ou se déchirent,
qu'ils se répondent ou s'affrontent sur le mode duel, ou bien qu'ils forment
un trio, un quatuor, un quintette - voire, un choeur aussi complet
que celui des filles de Zeus et de Mnémosyne, les frères et les soeurs
fictionnels ne se contentent pas de refléter des conventions ou des
valeurs morales propres à une époque donnée : ils dessinent des configurations
tantôt idéalement harmonieuses, tantôt conflictuelles, des
antagonismes et des parallélismes, bref, une géométrie savante des
formes et des images, où la référence à une quelconque réalité devient
bien secondaire en regard de l'effort de stylisation accompli par l'écrivain,
le dramaturge, le peintre, ou le cinéaste. L'étude des relations
"fraternelles" rencontre nécessairement les notions de "ressemblance"
et de "différence", et s'avère particulièrement propice à des lectures
comparées et intertextuelles, d'autant que les oeuvres mettant en
scène des frères et/ou des soeurs sont aussi, bien souvent, les soeurs
cadettes de récits fondateurs, bibliques ou mythologiques, constamment
cités, évoqués ou réécrits.