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Cet ouvrage tente d'expliquer les fondements épistémologiques, anthropologiques,
historiques et juridiques déterminant encore aujourd'hui nos
pratiques sociales, politiques et thérapeutiques en matière de drogues.
La question de la drogue est en réalité plus aujourd'hui une question d'anthropologie
culturelle définitivement inscrite dans la dynamique géopolitique de
l'offre et de la demande qu'une problématique prioritairement clinique, contrairement
à ce que l'on continue à prétendre et ce, sans minimiser la réelle souffrance
d'une partie des consommateurs qui précisément se soignent eux-mêmes souvent
inadéquatement sans le savoir.
De l'expérience contrôlée à la dépendance nocive pour l'individu, il y a non seulement
une question de dosage et d'usage, mais surtout une affaire de motivations, de
rencontres et de relations et plus encore une affaire de lien que l'on entretient avec
les drogues (liens distants ou passionnels, liens utilitaires occasionnels ou nécessaires,
liens avec soi-même ou avec les autres, etc.). Enfin, ces liens sont déterminés par des
représentations et des contextes dans lesquels les drogues circulent et les individus
vivent et évoluent avec leur désir et leurs pulsions.
L'effacement des frontières entre drogues et médicaments nous montre bien
aujourd'hui que le remède peut ou peut ne pas se transformer en poison parfois
redoutable, quel que soit le nom qu'on lui attribue.
Entre les deux se trouve un espace individuel où la subjectivité rencontre les
tensions inhérentes au quadruple impératif de la nouvelle modernité : productivité,
consommation, autonomie et responsabilité. Une mission quasi impossible à
atteindre qui débouche forcément sur un malaise.
C'est au creux de cet espace que notre choix individuel et notre éthique résident
à l'époque du risque zéro, de l'euphorie perpétuelle obligatoire et du bonheur sous
ordonnance.