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Traduit en plus de trente langues, tiré à plus de vingt
millions d'exemplaires, Le Nom de la rose est un roman à la fois
très populaire et très savant.
L'essai qui lui est ici consacré tend à rendre compte de
ce phénomène en montrant qu'il place, à sa source, le désir, et,
en son déploiement, l'aventure, le désir de lire le livre interdit
est aussi désir charnel, désir de comprendre et de connaître,
il constitue le moteur même de l'action. Contre les censures
religieuses, contre les abus de pouvoir idéologiques, l'aventure
racontée par le jeune Adso s'enracine avec une remarquable
intensité dans l'invention historique de l'esprit critique et de la
démarche scientifique. C'est le roman de la conquête du savoir,
du gai savoir, qui seul peut fonder le libre arbitre individuel,
et établir une société comptable même de ses pauvres.
Pour barrer la route à cette double entreprise,
le défenseur de l'ordre ancien va jusqu'à assassiner et à mettre
le feu à la bibliothèque. Alors le conflit n'est plus seulement
d'ordre politique, il devient grand mélodrame métaphysique où
symboliquement se joue la question du savoir et du pouvoir
suprêmes. Un instant même, dans ce combat d'archanges,
U. Eco paraît, sans le savoir, pencher, comme John Milton,
du côté du diable. Mais c'est là impression très fugace car, des livres
en cendres, renaît inévitablement l'oiseau fabuleux de la liberté.