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En 1993, Guido Ceronetti publiait le premier volume de ses Deliri Disarmati, dont il avoue, non sans amusement, qu'ils n'eurent pas le succès qu'il prévoyait (pour un siècle à tout le moins). Mais, comme le Manchot de Lépante (la comparaison vient de lui), il remettait sur le métier et récidivait huit années plus tard, à la demande de son éditeur, en nous offrant ses Nuovi Ultimi Esasperati Deliri Disarmati. L'auteur et son traducteur en proposent ici, d'un accord complice, un choix passé au filtre le plus fin, à titre de tonique apéritif destiné aux lecteurs de langue française.Les derniers jours de Cavafy, le chagrin de Rembrant perdant Saskia, l'odeur poudrée et presque immortelle des Menines, l'ange violé, Rome enfin détruite, ou la douce passivité des Mongols de Kakimba face à un destin qui ne les trouble pas, tous ces instants volatils arrachés à l'éternité, calamiteux souvent, nous consolent : nous ne sommes plus seuls... Il est certain qu'au bout du compte nous n'aurons pas de consolamentum, mais une main tendue, un pied qu'une main féminine saisit et réchauffe avant l'oubli ne se refusent pas.D'où il ressort que Ceronetti, amoureux blessé de la Beauté, au verbe pur et amer, est sans doute le meilleur compagnon d'exil qu'un lecteur d'aujourd'hui puisse rêver.Cioran, qui fut son ami et son plus fidèle admirateur, avait été le premier à nous en avertir : « Ne redoutez pas de le rencontrer : de tous les êtres, les moinsinsupportables sont ceux qui haïssent les hommes. Il ne faut jamais fuir unmisanthrope. »