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Au lendemain de la Terreur, l'idée apparaît avec La Harpe, Germaine
de Staël et Prosper de Barante que la production littéraire de la
Révolution française est incapable de survivre au mouvement historique
qui l'a vu naître : la littérature de la décennie révolutionnaire périrait pour
cause de politique ! C'est là sans doute son péché capital, puisque les historiens
de la littérature la discréditant à tout jamais l'ont négligée au profit
des oeuvres magistrales du Romantisme. Ce que l'on a accordé à Hugo
et à Vigny, on l'a refusé à Louvet, à Sénac de Meilhan ou à Isabelle de
Charrière. Toutefois, il y a bien quelque difficulté à comprendre pourquoi
en dix années un même pays est passé de la riche production du siècle
des Lumières à l'avènement de littérateurs platement enthousiastes.
Présenté de la sorte, le phénomène relève du prodige ou du parti-pris, un
constat qui suscite la réflexion d'Huguette Krief.
Son étude montre que la littérature de cette période se construit sur
une ligne de rupture entre l'Ancien Régime et la Révolution. L'oeuvre de
fiction devient l'affaire d'un regard nouveau sur une actualité brûlante et
exigeante. Guidés par les mêmes principes que les penseurs des Lumières,
les auteurs de romans, de contes et de nouvelles interviennent dans la vie
de la cité révolutionnaire et cherchent à éclairer la nation, à la guider.
Quelles que soient leurs opinions politiques, ils pensent offrir l'exemple
d'une pensée libre qui s'inspire de principes fidèles à la justice et à la raison.
Animées par le désir de soulever les enthousiasmes ou de faire rêver
au bonheur de la Nation, soutenues par un effort de synthèse ou un souci
d'efficacité, leurs oeuvres manifestent le dynamisme étonnant d'une génération
qui a enfin la sensation de participer à la marche de l'Histoire.