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Au frontispice de La Précieuse, un rideau s'ouvre largement,
promettant de nous dévoiler ainsi le mystère de la ruelle, de ces
assemblées que l'on ne nomme pas encore des salons et qui se
multiplient après la Fronde. Mais sitôt le livre ouvert, notre
curiosité est à la fois attisée, et frustrée. Qui sont ces précieuses,
sous leur masque grec, et que peut bien être la Précieuse ?
Galants dans tous les sens de ce terme ambigu, le narrateur
suggère des clefs tandis que le romancier brouille les pistes. Au
lieu de mystères d'alcôves, c'est à examiner les peines et
malheurs du mariage que nous voilà conviés, sans que le rire
perde ses droits néanmoins. De conversations en chansons, de
poèmes en contes et histoires, de projets d'écriture en
promenades, s'invente une sociabilité où des hommes de lettres
(dont Ménage et Chapelain, figurés de façon transparente) se
mêlent aux précieuses tout en se moquant d'elles, le malicieux
Gélasire au premier chef. Selon les cercles, la réussite est inégale,
médisance et malveillance n'épargnant pas ces petites sociétés
hantées par la distinction et soucieuses du secret : on devient
vite la précieuse ridicule de l'autre. D'autant que surgit très vite
un nouveau mystère, celui d'un roman, intitulé... La Précieuse,
où ces dames sont comprises, et qui contient lui-même «Le
Roman de la Précieuse», dont l'héroïne allégorique, Didascalie,
ambitionne aussi de se faire romancière. Roman de la littérature,
La Précieuse s'avère ainsi une contribution majeure à la
poétique du roman au XVIIe siècle : entre conversations galantes
et mises en abyme complexes, Michel de Pure compose un
roman intrigant, ironique et audacieux sur l'aspiration des
femmes à la vie de l'esprit et à la liberté.