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Si notre littérature vernaculaire ne mentionne la Mesnie Hellequin
qu'allusivement, des textes latins en fixent des traditions orales et
proposent des trames narratives assez diverses pour nous informer
que nous avons affaire à autant d'interprétations et de réécritures
d'un noyau mythique perdu. Mais des éléments fragmentaires sont
récurrents d'une mention à l'autre, et c'est précisément sur ces
récurrences que l'on peut fonder une investigation soucieuse de percer
le secret qui se cache derrière ces sonorités si étranges : Hellequin.
Au départ était le mystère d'un nom qui sans doute depuis les siècles
les plus éloignés a dû opérer tel un charme, dans une chaîne de
transmission pour nous obscure, fonctionnant par «ouï-dire». Ce
nom, à partir du XIIe siècle, des clercs l'ont écrit, épelé, ont tenté d'en
fixer les contours, en recoupant diverses traditions fragmentaires
constituant sans doute un écho à ses étranges et inquiétantes résonances
: cortèges nocturnes souvent aériens, chevauchées armées et
chasses furieuses, revenants solitaires encapuchonnés, mais aussi
silence et féerie lumineuse dans un tintement aimable de clochettes,
ou encore défilé grotesque de masques carnavalesques : tout cela
dans une simultanéité déconcertante et des réseaux de cohérence
d'une grande densité. L'objectif de cette étude est précis : retrouver
les traces mythiques, donc voilées, de la Mesnie Hellequin dans la littérature
médiévale qui n'a pas tant oublié que poétisé cet héritage ;
explorer ensuite la fécondité et l'évolution des différents motifs qui
en émanent, déchiffrer les complexes de signification qui
s'organisent ainsi, et identifier enfin des résurgences modernes et
contemporaines de la figure, certaines illustres (Arlequin, le Roi des
Aulnes), d'autres plus secrètes car masquées pour toujours.