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Historia magistra vitae : la célèbre formule cicéronienne, réactivée
par l'humanisme italien, sera revendiquée jusqu'au coeur du
XVIIIe siècle. Dans une histoire promue «maîtresse de vie» l'âge classique
cherche, comme l'antiquité païenne, des exemples à imiter.
Leçon morale et leçon politique, l'histoire constitue en outre, pour les
catholiques comme pour les protestants, une leçon religieuse qui révèle
la conduite de la Providence.
Toutefois la leçon politique n'est pas toujours morale ni religieuse,
comme le montre la lecture qui est faite de Tacite. Plus fondamentalement
encore, le débat qui, à l'orée du XVIe siècle, a opposé Machiavel à
Guichardin sur la possibilité d'appliquer au monde contemporain les
leçons de l'histoire romaine, a posé une question qui résonnera tout au
long de l'âge classique, qui a appris de Montaigne que «tout exemple
cloche», et qui, bien avant la Querelle des Anciens et des Modernes, a
conscience de l'altérité radicale entre l'Antiquité et le présent. Le soupçon,
qui grandit dans le XVIIe siècle français, envers une histoire maîtresse
de vie qui enseignerait les vertus publiques et privées, conduit à
déplacer son centre de gravité du public vers le privé pour la définir
comme anatomie du coeur humain.
Si donc l'on ne cesse, de Machiavel à Voltaire, de demander des
leçons à l'histoire, celles-ci revêtent des formes différentes voire antagonistes,
mais qui, toujours lourdes d'enjeux, révèlent des lignes de
fond. Le présent ouvrage scrute, pour la première fois, cette réflexion
sur l'utilité de l'histoire, en se fondant avant tout sur les nombreux
textes théoriques qui lui ont été consacrés, mais sans négliger ni les
Histoires elles-mêmes, ni les Mémoires, ni les textes fictionnels. La
pensée de l'histoire ne saurait en effet être coupée des réalisations
concrètes de l'historiographie, des Recherches d'Étienne Pasquier à
Montesquieu et Voltaire, sans oublier l'école érudite française.