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Le Roman du Comte d'Artois, petit récit d'auteur inconnu a été écrit, selon toute vraisemblance,
dans la seconde moitié du XVe siècle. Il a fallu attendre le milieu du XXe siècle
pour disposer d'une édition moderne, due à Jean-Charles Seigneuret dans la collection des
Textes Littéraires Français. Il n'est donc pas étonnant que l'ouvrage, jusque-là relégué par
les médiévistes au rang de parent pauvre et jugé indigne d'une étude particulière, n'ait eu
droit, le plus souvent, qu'à figurer dans une note ou, au mieux, à rester cantonné dans une
parenthèse, plus ou moins allusive. Sa mise en français moderne, lui donnant accès à un
public plus ouvert, devrait favoriser une certaine réhabilitation. Si l'oeuvre ne prétend pas
figurer parmi les «phares» de la littérature médiévale, elle a beaucoup de raisons d'y trouver
sa place, modeste peut-être, mais incontestable. Elle ne manque pas d'intérêt l'histoire
de ce vaillant comte, chevalier au grand coeur, digne héritier des preux qui animaient nos
vieilles chansons de geste, et qui, après s'être illustré, tant à la guerre que dans les tournois,
connaît quelques années de vrai bonheur auprès de son épouse, la fille du comte de
Boulogne. Mais, un jour, au désespoir de n'avoir pas eu de descendance, il quitte sa femme,
en s'engageant à ne lui revenir que lorsqu'elle aura réussi à accomplir trois choses, apparemment
impossibles. C'est là, évidemment, une variation sur le célèbre thème de la
gageure. Les éminentes qualités chevaleresques du comte ne pèseront pas lourd en face de
la finesse, toute féminine, de son épouse et l'histoire connaîtra un dénouement heureux.
Quelle que soit la vénération, affichée, de l'auteur pour les valeurs traditionnelles de la
chevalerie, il n'en est pas moins un témoin de son siècle, que ne laissent indifférent ni les
ravages causés par la guerre, ni les réflexions sur la meilleure manière, pour un roi, de
régner. Mais ce récit (petit roman ou longue nouvelle ?) fait aussi apparaître, très concrètement,
la difficulté que peut rencontrer un écrivain de bonne volonté à maîtriser les exigences
du genre narratif bref. L'auteur inconnu du Roman du Comte d'Artois n'était sans
doute pas un écrivain «de profession», son oeuvre n'en mérite pas moins de recevoir une
chance de retrouver des lecteurs.