Read more
«Muse, aide-moi; viens sur cette matière/Philosopher en langage des dieux»: par cette invocation, qui relance un exposé de plusieurs centaines de vers, en «langage divin», sur le phénomène de la fièvre, La Fontaine a voulu placer son Poème du Quinquina sous la protection d'Uranie, muse de l'astronomie, mais aussi de la poésie dite «philosophique» et «scientifique». À partir d'un examen approfondi des relations entre poésie, philosophie et science à l'Âge classique, le présent ouvrage tente précisément de réévaluer l'importance d'un genre peu connu, méprisé ou ignoré: celui de la «poésie d'idées» au siècle de Louis XIV.
L'idée défendue dans ce livre, au-delà de l'exposé qui sera fait de la «querelle» des poètes et des philosophes, que l'on rapporte traditionnellement à Platon, c'est que l'union de la poésie, de la philosophie et de la science à l'Âge classique est nécessaire et inévitable, parce que liée au fonctionnement même de la connaissance. En discutant en vers des théories, comme celles du mouvement de la Terre, de la circulation du sang ou des animaux-machines, les poètes-philosophes du XVIIe siècle expriment leur confiance dans une poésie savante de haute portée intellectuelle. Bien évidemment, la croyance qui sous-tend cette ambition didactique est que tout commence avec la poésie.
Si des auteurs tenus pour mineurs sortent ainsi de l'ombre grâce à l'analyse de textes aussi variés que des encyclopédies, des systèmes du monde ou des cours de philosophie en vers, ce sont aussi des oeuvres comme celles de La Fontaine, avec son grand diptyque lucrétien du Discours à Mme de La Sablière et du Poème du Quinquina, et plus généralement la situation de la poésie au sein d'une nouvelle configuration des savoirs qui se trouvent éclairées d'un jour nouveau.