Read more
Montaigne se rêvait poète, et il l'est dans la conception de
son livre, «le seul au monde de son espèce», comme il tient
à le préciser, et par une écriture propre à transmettre au lecteur
l'émotion indispensable à la compréhension en profondeur
des formes et des idées. Dans ses «essais», insolites et
étranges comme les «grotesques» de l'art contemporain,
matière et manière se fondent l'une dans l'autre pour traduire
la singularité de leur auteur. C'est ce que La Manière et la
Matière s'attache à exposer à travers diverses questions, telles
que le savoir, la mélancolie et la folie, les héros préférés, le
corps, l'érotisme, la mort, l'art, groupées en quatre sections qui
vont de la genèse de l'oeuvre à l'adieu du poète, précisément.
Avec les plus grands noms de la Renaissance et du Maniérisme,
de Vinci à Michel-Ange, et les formes les plus neuves de
l'art contemporain, de l'architecture à l'ébénisterie, de la sculpture
à la peinture et à la majolique, sont mises en relief ces
inventions entre toutes expressives : la perspective, le
contrapposto, la «ligne serpentine» et évidemment l'autoportrait,
où se traduisent, avec un sens aigu de la subjectivité de
l'artiste, l'élan et la marque unique de sa main.
Les Essais s'inscrivent dans ce temps même de la Renaissance
et du Maniérisme, par leur facture, et à travers les représentations
qui confèrent leur nouveauté et leur force expressive
aux pensées politiques, aux options philosophiques et
morales les plus essentielles de Montaigne.