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Les recherches sur la copieuse production littéraire et historiographique
de Jean Bouchet sont pour l'instant encore entravées
par l'absence d'éditions critiques. Dans le cas du Jugement
poetic de l'honneur femenin, cette absence est d'autant plus
regrettable que ce long poème présente un grand intérêt à bien
des égards. Il s'agit d'un texte hybride, qui commémore Louise
de Savoie, mère de François Ier, mais qui, sur un plan plus général,
défend les femmes et revendique leur droit à l'éducation. Y
sont mises en oeuvre des techniques poétiques subtiles dont
l'étude éclaire les stratégies didactiques et formelles de
Bouchet, ainsi que la poétique globale des rhétoriqueurs. Le
Jugement présente également une contribution des plus intéressantes
à la «querelle des femmes». Ses arguments et
exemples proféminins, dérivés de nombreuses sources (elles-mêmes
souvent inédites), recèlent des tensions et contradictions
significatives : telle femme exemplaire, par exemple, fait preuve
de qualités incompatibles avec les valeurs que prône le discours
normatif de l'auteur. Ainsi le poème révèle-t-il à la fois les stratégies
et les limites des contributions proféminines à la «querelle».
C'est un texte susceptible d'intéresser non seulement les spécialistes
de la littérature de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance,
mais aussi les historiens des femmes et des mentalités.
Cette édition ne se contente pas de présenter le texte du
Jugement avec l'appareil critique habituel (variantes, glossaire,
index des noms propres) : elle constitue également une contribution
importante à la recherche sur les discours proféminins
de l'époque. Dans une longue introduction, un appendice et de
très amples notes au texte, l'éditeur marie la philologie dans la
meilleure tradition du terme avec des approches critiques
modernes pour analyser les implications idéologiques fort
diverses du Jugement, et les modification importantes qu'apporte
souvent Bouchet à ses sources.