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La légende du purgatoire de saint Patrick raconte l'expérience du
chevalier Owein qui voyage dans l'au-delà chrétien après avoir pénétré
dans une grotte irlandaise dont la révélation avait été faite au patron de
l'Irlande. Il ne s'agit pas d'une vision mystique ou d'un texte allégorique,
mais d'un voyage in corpore dans l'autre monde. L'histoire est d'abord
rapportée en latin au XIIe siècle, dans le Tractatus de purgatorio sancti
Patricii de H. de Saltrey, puis abondamment réécrite dans toute
l'Europe médiévale, notamment par Marie de France, et jusqu'à nos
jours.
Le purgatoire est un lieu nouveau et sa fondation vient profondément
bouleverser l'ordre du monde, d'autant qu'en lui assignant
une entrée terrestre, géographiquement située, la légende le place à la
frontière poreuse entre notre monde et l'autre. On comprend
combien une telle invention sera matière à songerie. Le monde
s'entrouvre et laisse dialoguer la vie et la mort, les hommes et Dieu.
La légende s'appuie sur un va-et-vient entre réel et imaginaire. Elle
nourrit ainsi la littérature et la spiritualité médiévales. L'étude comparative
de la source latine et des versifications françaises médiévales
montre qu'il s'agit non seulement d'une «translation» mais aussi
véritablement d'une réécriture, obéissant à une stylistique porteuse de
sens. La tonalité religieuse originelle devient littéraire. La légende se
place aux frontières de diverses formes, dont celle du roman. Le héros
est chevalier mais après son merveilleux voyage, il choisit dans
certaines réécritures de prendre l'habit religieux ; ce qui exprime la
place singulière de la chevalerie dans la société médiévale. Les textes
dévoilent un au-delà accessible ici-bas, révélateur de ce que sont
l'homme et le monde du Moyen Âge.