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Peu d'académiciens ont connu la perte de l'immortalité. Tel fut
pourtant le singulier destin d'Antoine Furetière (1619-1688) destitué
par ses pairs le 22 janvier 1685 : cet avocat féru de Lettres,
mécontent du travail lexicographique auquel il participait depuis
1662 au sein de l'Académie française, avait décidé d'oeuvrer seul et
d'élaborer un grand dictionnaire encyclopédique en langue française,
le premier lexique complet de notre langue qui comprît tous
les termes utiles de la vie moderne, des arts et des métiers, et qui
ne se limitât pas à la nomenclature de l'honnête homme voulue par
ses confrères académiciens. Furetière fut accusé d'avoir contrevenu
au privilège exclusif qui avait été conféré en 1674 à l'Académie
française pour la rédaction d'un dictionnaire de langue et
d'avoir de surcroît utilisé à son profit le travail collectif. Quels mots
recenser ? Comment définir le monde ? Ce fut la querelle des
dictionnaires, creuset de la grande tradition lexicographique française.
Si le roi ne s'opposa pas à la procédure d'exclusion votée par
les académiciens, il ne l'approuva pas non plus et fit même bon
accueil au Dictionnaire universel lors de sa parution en 1690.
C'est l'histoire polémique de ce monument de la lexicographie
française que ce livre retrace : le Dictionnaire universel n'est pas
seulement le fidèle registre du Grand Siècle, il est aussi l'oeuvre
d'un auteur passionné par la question de la représentation, par la
vie et la poésie des mots. Il manifeste aussi à quel point toutes les
oeuvres de Furetière se trouvaient déjà travaillées par le projet du
Dictionnaire.