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Les poétiques italiennes du poème chevaleresque (appelé, au
XVIe siècle, «roman», et dont les exemples les plus significatifs sont
le Roland amoureux de Boiardo et le Roland furieux de l'Arioste)
n'ont jamais été traduites en français, bien qu'elles aient une réelle
importance pour comprendre à fond la réflexion théorique sur le
genre narratif, en France, au XVIe et, surtout, dans la première
moitié du XVIIe siècle. Les romans héroïques français de l'âge
baroque et les observations sur ce type de roman (comme, par
exemple, la Préface d'Ibrahim ou l'Illustre Bassa de Georges de
Scudéry et le Traité de l'origine des romans de Pierre-Daniel Huet)
prennent en effet le contrepied, dans plusieurs domaines, des récits
de chevalerie et des observations, élaborées en Italie durant la
Renaissance, sur cette dernière modalité narrative.
Ces poétiques du «roman» (qui représentent la première
réflexion théorique des temps modernes sur le genre narratif) sont
l'apanage de trois auteurs : Simon Fórnari, Jean-Baptiste Giraldi
Cinzio et Jean-Baptiste Pigna. Et malgré la très nette différence
d'approche entre ces trois théoriciens (surtout dans leurs façons de
juger et d'utiliser la Poétique d'Aristote, qui jouissait à l'époque d'un
prestige considérable), leurs ouvrages sont une habile défense d'un
sous-genre narratif qui a son origine dans les romans chevaleresques
du Moyen Âge, dont il démarque les thèmes et la structure.
Les romanciers héroïques français, par contre, en polémique avec
les récits de chevalerie, s'inspirent surtout (même si non exclusivement)
des épopées de type homérique et virgilien et des romans
grecs et latins, qui présentent de nombreuses affinités avec ce genre
d'épopée. Dans la polémique des théoriciens français du roman
héroïque contre les théoriciens italiens du récit de chevalerie on
peut donc lire en filigrane une sorte de querelle entre partisans des
Anciens et partisans des Modernes dont on a jusqu'à présent dans
une certaine mesure sous-estimé la portée.