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Tournant du Moyen Âge et de la Renaissance, le XVe siècle est le témoin d'une crise fondamentale des structures politiques et mentales de l'Europe. Traversé de conflits internationaux et locaux, il voit à la fois l'émergence de l'État-nation et la constitution de puissants principats, comme la Bourgogne des ducs Valois. Ce siècle est aussi celui des bouleversements culturels. La littérature vernaculaire, de plus de plus engagée dans le monde politique, découvre ses pouvoirs civils ; l'écrivain combat pour un rôle social sans précédent, qu'il léguera aux poètes du XVIe siècle. Un auteur incarne les révolutions et les paradoxes de cette époque : George Chastelain.
Historiographe et poète officiel du duché bourguignon sous les règnes de Philippe le Bon et Charles le Téméraire, maître des Grands Rhétoriqueurs, George Chastelain occupe aujourd'hui dans la critique littéraire une place ambiguë. Précurseur d'un groupe auquel il ne lègue apparemment que peu de traits stylistiques, il demeure un point de référence souvent cité, mal connu et pourtant majeur dans la transition entre la culture du Moyen Âge et la modernité. Son écriture est le lieu où se cristallisent les tensions fécondes qui caractérisent son époque. Historien soumis aux volontés princières, il revendique pourtant un statut original, celui d'orateur, gardien des significations, maître du temps et de la gloire future. La pratique de l'ornatus légué par la tradition médiévale, en prose et en vers, lui permet de subsumer les contradictions de son statut par l'édification d'une poétique cohérente. Le texte chez Chastelain devient un espace de totalisation des sens, littéraire, politique, religieux.
Son oeuvre polygraphique, revendiquée comme « totale escripture », est, dans la littérature française, rupture et passage : héritière de la richesse médiévale, donnant naissance à la Grande Rhétorique bourguignonne, elle forme le seuil d'une autre voie vers la Renaissance française.
