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On a souvent affirmé que l'«histoire littéraire» naît en France au
XVIIIe siècle. Elle prend corps pourtant bel et bien dès la fin du XVIe
siècle, lorsque des savants cherchent à prouver l'excellence de la
langue et des lettres du pays. Au XVIIe siècle, avec l'immense Histoire
des poètes françois de Guillaume Colletet - à laquelle on cherche ici
à restituer la place qu'elle mérite - l'«histoire littéraire française»
s'institue en tradition, consciente d'elle-même.
Si cette nouvelle et protéiforme discipline, où se rencontrent
bientôt la tradition humaniste et la mondanité, témoigne d'une perception
hétérogène et mouvante de la «littérarité», elle n'en est pas
moins fondée sur un objet précis, des méthodes et des objectifs clairs,
ainsi que sur une véritable conception générale de l'histoire des
lettres. Cet ouvrage se propose donc d'en étudier les cadres (idée de
progrès, schémas historiographiques, périodisation), d'observer l'évolution
de diverses perceptions (sens du relatif, définition du «génie»,
jugement critique) et de certains procédés (tripartition «homme,
oeuvre, fortune de l'oeuvre», «parallèle») qui, bientôt, caractérisent
l'écriture de cette histoire des lettres. Une mémoire littéraire française
se dessine donc qui, forte d'une propre et nouvelle «Antiquité»
et des «lieux» qui la soudent, prend acte de la constitution, parallèlement
à l'essor d'une république des lettres européenne, d'une dimension
proprement française de la vie littéraire.
Au sein de cette discipline, les hommes de lettres du «siècle de
Louis XIV» s'instituent eux-mêmes comme exemplaires : cette oeuvre
de mémoire consacre, bien avant qu'il ne soit nommé comme tel, le
«classicisme» et participe de l'«invention» d'un imaginaire national.