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La Révolution et l'Empire restent dans la mémoire collective de la
Bretagne comme un moment tragique marqué à la fois par les affrontements
sanglants de la Chouannerie et un déclin économique lié au blocus
maritime imposé par l'Angleterre pendant plus de vingt ans et aggravé par
les choix stratégiques de la politique continentale de Napoléon.
C'est oublier, si l'on en croit Chateaubriand, que la Bretagne avait vu
naître la Révolution dans les rues de Rennes, le 28 janvier 1789, avant de
voir surgir, quatre ans plus tard, en mars 1793, une révolte armée des paysans
contre la République. Paradoxe qu'expliquaient la situation politique
d'une province dominée par la noblesse en 1788 et le contraste existant
entre des campagnes peuplées, surchargées de pauvres, se croyant protégées
d'un surcroît de misère par leurs routines et leurs croyances et donc
aux antipodes d'un archipel urbain prospère, essentiellement portuaire
(Nantes, Brest, Lorient, Saint-Malo...), si l'on excepte Rennes et donc largement
ouvert aux promesses de l'idéologie des Lumières.
Roger Dupuy analyse les conséquences politiques de ce contraste économique
et culturel et les raisons successives qui ont fait basculer une majorité
de paysans dans une résistance croissante à la Révolution. La
Chouannerie résulterait de la convergence de l'anti-révolution paysanne et
de la contre-révolution nobiliaire favorisée par un clergé paroissial qui après
avoir célébré l'avènement des réformes, s'opposa massivement à celle
concernant la réorganisation de l'Eglise. Bonaparte, en 1801, imposa sa
pacification, mais jusqu'à quel point et avec quels moyens ? Et qu'en est-il
finalement du bilan économique, culturel et politique de ce quart de siècle qui
imposa pour longtemps l'image d'une Bretagne figée dans sa foi et ses fidélités
mais qu'on ne saurait réduire au seul rejet viscéral de la Révolution ?