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«Cette province, aux dires d'un intendant, ne se gouverne pas comme
les autres.» L'implication fortement accrue de l'Etat suscite au XVIIIe siècle
en Bretagne une vive et constante résistance de ceux qui, par culture politique
ou intérêt, sont attachés aux libertés traditionnelles. Le nouvel équilibre
institutionnel du milieu du siècle est remis en question lorsque la
noblesse, dans une histoire politique agitée marquée par la fameuse
«affaire de Bretagne», commence à apparaître moins comme le défenseur
de la Bretagne que celui de ses propres privilèges. Le heurt qui s'ensuit
aboutit en 1789 à un clivage d'une violence sans équivalent en France.
L'Etat a également une part de responsabilité indirecte dans la responsabilité
épidémique qui, surtout dans les dernières décennies, pèse
sur une évolution démographique beaucoup moins positive que la
moyenne française. L'intégration plus poussée de l'économie bretonne
dans le marché national perturbe aussi, pour le meilleur et pour le pire,
les activités et les relations économiques. Les réussites éclatantes, telles
que la grande aventure malouine ou l'édification des fortunes nantaises,
contrastent avec les difficultés marquées d'autres secteurs.
Confrontée à l'évolution générale, la Bretagne souffre surtout
désormais de handicaps structurels, qui tiennent à la fois aux conditions
naturelles, au poids sans égal de la seigneurie et du milieu judiciaire,
à des structures économiques et sociales, voire à des mentalités
peu favorables à l'investissement productif. Elle souffre aussi sans
doute, en particulier dans les campagnes, et par comparaison avec
d'autres régions, d'une insuffisante familiarité avec l'écrit, d'une faible
scolarisation, trop fortement destinée à la reproduction d'hommes de
loi et de prêtres, qui contribuent à rigidifier les structures sociales.