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Première Guerre mondiale. Capitale d'Empires pendant treize siècles,
Istanbul contemple des bords du Bosphore l'écroulement du Vieux Monde,
l'agonie des trois empires austro-hongrois, russe et ottoman.
Située à l'intersection du Drang nach Osten allemand et de la descente vers les
mers chaudes russes, au point précis où la route maritime des Détroits coupe
celle, terrestre, du chemin de fer Berlin-Bagdad, la ville est le trophée majeur
de la Grande Guerre. Mais, simple relais d'une expansion coloniale pour les
uns, elle reste toujours Tsarigrad, la ville impériale, pour les autres. Plus qu'un
enjeu géopolitique, elle est alors l'objet d'une utopie impériale, où Nicolas II de
Russie est en concurrence avec Ferdinand de Bulgarie et Constantin de Grèce,
chacun rêvant d'être couronné, dans Sainte-Sophie, empereur de la Nouvelle
Rome. C'est donc en cristallisant sur elle le mirage d'un empire nouveau que
l'éternelle Constantinople assiste à l'écroulement des vieux empires.
Envahie par les Alliés en novembre 1918, la ville s'enfonce dans la folie
cosmopolite. Au quatrième étage d'un immeuble attenant à la Grande Rue de
Péra, un quarteron d'officiers complote pour sauver la Turquie ; au deuxième -
le troisième est un bordel - siège un comité de libération d'un peuple du
Caucase ; au premier un parti fédéraliste ottoman ; et la boutique du tailleur
grec au rez-de-chaussée est ornée d'un immense portrait de Venizélos. Dans la
rue patrouillent un Sikh de l'armée britannique, un tirailleur sénégalais, un
carabinier italien et un evzone grec.