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Comment s'opposer au capitalisme, lorsqu'on s'accommode,
jusqu'à la fascination, du genre d'existence qu'il procure et
de ce qu'il a fait accomplir aux hommes ? La disparition, sous
les coups de boutoir de l'industrie, des formes autonomes de
production et d'échange ne semble poser aucun problème aux
intellectuels «critiques» et aux jeunes qui les écoutent. Ils se
féliciteraient presque de la dépendance quasi-totale de chacun
vis-à-vis de l'appareil de production moderne. Ils ne voient pas
le danger d'une évolution qui fragilise notre vie quotidienne,
en nous mettant à la merci des fluctuations de l'économie et
de processus sociotechniques sur lesquels nous n'avons aucune
prise. Ils ne voient pas que cette évolution nous accule à la
croissance perpétuelle de la production.
La gauche persiste encore à promouvoir l'extension des
«bienfaits de notre mode de vie» à l'ensemble de la planète.
Sans voir que l'Économie apporte à de nouvelles contrées la
participation forcée au désastre social et écologique. Dans
l'immédiat, la question des conditions de vie ressurgit avec
insistance, terrifiante et insoluble. Il ne s'agit pas d'assimiler
tous ceux qui disent oeuvrer pour une «mondialisation plus
humaine» aux partisans les plus fanatiques de l'ultralibéralisme.
Mais il est crucial de souligner qu'il n'y a pas grand sens à
plaquer une idéologie de fraternité universelle sur ce que nous
sommes en train de faire du monde. La société non capitaliste,
que tant de militants appellent de leurs voeux, pourrait bien
ne pas être une société de confort et d'irresponsabilité généralisée
- c'est-à-dire l'improbable extension à tous de la situation
des privilégiés de notre société inique.