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Il existe, en France notamment, un consensus chez artistes et
critiques qui consiste à perpétuer l'idéal d'une oeuvre d'art
susceptible d'éveiller les consciences aliénées, de modifier le
cours de l'Histoire, de créer de la «reliance» là où le tissu social
s'est déchiré.
Ce livre émet une hypothèse radicalement autre, critique et polémique
: analysant les pôles de résistance que l'art oppose depuis
une vingtaine d'années à l'effondrement du politique, l'auteure
montre combien une partie de l'art contemporain peut se révéler
naïf, idéologiquement faible, encore pétri d'illusions humanistes,
clivé entre les positions désormais caduques des néo-avant-gardes
et les oeuvres dites «relationnelles», qui prônent une convivialité
de bon aloi et occultent gravement l'extrême dureté des fractures
sociales. L'auteure interroge les récentes pratiques de guérillas
sémiotiques contre la mondialisation et récuse la supposée valeur
de véracité que certains continuent d'attribuer au photojournalisme,
en dépit de la spectacularisation de l'information.
D'où ce constat : à la déréliction du politique correspond
la défection de l'art à vocation politique ou sociale. Constat
d'échec ? Pas seulement. Car l'art pourrait passer le témoin
à d'autres formes visuelles : le documentaire engagé, photographique
et plus encore cinématographique, puissante «machine
à penser» selon l'expression de Thierry Garrel.
Ce livre se veut, au final, un hommage rendu à la modestie lucide
du documentaire, au travail du temps, à la parole incarnée, à l'écart
des bruyantes imageries postmodernes.