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La religion des Romains a mauvaise réputation.
Comparée aux religions universelles dites du
Livre, elle paraît dénuée d'intérêt. Ignorant
l'idée de révélation, dépourvue de croyances et
de dogmes, elle ne se compose que de rites et
d'obligations rituelles. C'est précisément ce ritualisme
volontiers prosaïque qui a longtemps été
mal compris, voire méprisé. Or rites et sacrifices
peuvent manifester une pensée théologique ou
philosophique implicite : ils mettent en
scène les hiérarchies qui existent dans ce
monde-ci et dans l'au-delà, entre les
hommes et les dieux, entre les dieux
eux-mêmes, et entre leurs partenaires
humains. Ainsi, la découpe d'un boeuf,
l'ordre de distribution des parts de viande,
ou même la manière de les consommer
en disent long sur les relations entre les
dieux et les humains. C'est ce que montre
John Scheid, à travers l'analyse de certains
sacrifices pratiqués à Rome entre le
IIe siècle avant notre ère et le IIIe siècle
après J.-C. : celui de la confrérie religieuse
des frères arvales, ceux des Jeux séculaires,
les prescriptions sacrificielles de Caton le
censeur, et enfin les sacrifices funéraires. Ces
actes sacrificiels, dont l'exécution laisse libre
cours à une floraison d'interprétations et de
croyances, attestent du problème du sens dans
une religion sans foi.